Le syndrome de l’intestin irritable (SII) se définit par le critère de Rome IV, selon lequel une personne pourrait être atteinte du SII si elle connaît une douleur abdominale récurrente au moins une fois par semaine en moyenne depuis les trois derniers mois, et que cette douleur est associée à au moins deux des critères suivants :
Avant de conclure un diagnostic de SII, il est important d’exclure la maladie céliaque via un test d’anticorps, et de référer les patients pour un examen plus approfondi s’ils présentent des indicateurs «d’alerte». Ceux-ci incluent une perte de poids involontaire et inexpliquée, un saignement rectal, des antécédents familiaux de cancer de l’intestin ou de l’ovaire, une modification des habitudes intestinales vers des selles plus molles ou plus fréquentes (ou les deux) persistant pendant plus de six semaines chez une personne âgée de plus de 60 ans, une masse abdominale ou rectale, de l’anémie ou des marqueurs des maladies inflammatoires de l’intestin.
Les stratégies de prise en charge alimentaire de première ligne pour les patients atteints du SII comprennent l’adoption d’habitudes alimentaires saines telles que celles décrites par le National Institute for Health and Care Excellence (NICE) et la British Dietetic Association, avec le régime pauvre en FODMAP réservé aux patients qui présentent des symptômes persistants. En effet, des changements alimentaires simples peuvent parfois être suffisants pour résoudre les symptômes. Par exemple, un manque de fibres ou une hydratation insuffisante peuvent causer de la constipation. La consommation de café peut causer de la diarrhée chez certaines personnes, incluant le café décaféiné dû à son contenu en acide chlorogénique qui stimule le transit intestinal. L’aérophagie causée entres autres par une consommation élevée de boissons gazéifiées et de gomme à mâcher peut aussi contribuer à des symptômes tels que des gaz et ballonnements.
Lorsque les symptômes digestifs persistent malgré l’adoption de saines habitudes alimentaires, il est recommandé d’essayer une alimentation faible en FODMAP pour une période de 2 à 6 semaines. Les FODMAP sont des glucides fermentescibles qui peuvent être en partie responsables des symptômes chez les gens souffrant du SII. Ces sucres peuvent être mal digérés et ainsi s’accumuler dans le petit intestin. L’approche FODMAP s’est montrée efficace pour réduire les symptômes digestifs liés au SII dans environ 75% des cas. Dans d’autres cas, les symptômes sont liés à autre chose que les FODMAP. Ils peuvent bien sûr être causés par des facteurs non liés à l’alimentation, par exemple le stress, la prise de certains médicaments ou une dysfonction du plancher pelvien. Cependant, au niveau de l’alimentation, il y a d’autres pistes possibles et diagnostiques différentiels à explorer.
Le « timing » des symptômes peut constituer un indice important concernant la cause des symptômes. Lorsque les symptômes surviennent immédiatement suivant la consommation de nourriture (entre 0 et 15 minutes), on peut suspecter une allergie alimentaire plutôt qu’une intolérance alimentaire. Lorsque des symptômes digestifs surviennent rapidement après un repas (environ 15 à 90 minutes), cela peut être causé par une accélération du
Le déficit congénital en sucrase-isomaltase (CSID en anglais) est un trouble génétique qui survient lorsque le corps ne peut pas produire l’enzyme sucrase-isomaltase nécessaire à la digestion du sucrose et du maltose, qui sont deux types de sucre. Le sucrose est contenu dans les fruits, dans le sucre de canne (sucre de table), dans le sirop d’érable et dans beaucoup d’aliments qui contiennent des sucres ajoutés, alors que le maltose se retrouve dans les féculents. Historiquement, on croyait qu’il s’agissait d’une condition rare affectant environ 0.2% de la population, mais de nouvelles études suggèrent qu’elle affecterait plutôt entre 2 et 9% de la population. La malabsorption du sucrose cause typiquement des symptômes de gaz, de ballonnements et de diarrhée qui surviennent environ 90 minutes à huit heures après l’ingestion d’aliments contenant du sucrose. Souvent, les symptômes digestifs peuvent empirer si on suit une diète faible en FODMAP.
Le « gold standard » pour détecter cette condition est une biopsie de l’intestin grêle avec un test spécial mesurant l’activité enzymatique. Il existe un test respiratoire à l’hydrogène qui n’est pas fiable, mais aussi un test respiratoire au carbone 13 radiomarqué, qui est moins invasif et relativement fiable pour détecter un déficit de l’enzyme sucrase. Il est aussi possible de faire un test de provocation orale au sucrose à la maison, ce qui peut donner une idée si l’intolérance au sucrose peut ou non être un problème. Le traitement pour cette condition est une restriction alimentaire (qui est très difficile à suivre) ou la prise d’un supplément d’enzyme nommée sacrosidase (Sucraid®) avec les repas. Il est à noter que le remplacement de l’enzyme sucrase permet de faciliter la digestion du sucrose, mais pas de l’amidon.
La malabsorption des acides biliaires, également appelée diarrhée biliaire, est à l’origine de plusieurs problèmes gastro-intestinaux, le principal étant une diarrhée chronique. Elle affecte environ 1% de la population. Cette condition peut être secondaire à l’ablation de la vésicule biliaire, à certaines maladies (Maladie de Crohn, pancréatite chronique, résections de l’intestin) ou à la prise de certains médicaments comme la Metformine. Les symptômes peuvent se présenter en tout temps (incluant la nuit) et peuvent inclure des gaz, des douleurs abdominales, l’urgence de déféquer, de la diarrhée de couleur claire, une carence en vitamine B12 et une perte de poids inexpliquée. La diarrhée peut survenir de façon plus sévère plusieurs heures après l’ingestion d’un repas riche en gras, et les symptômes empirent généralement si les gens décident de suivre une diète cétogène. Jusqu’à 25% des gens diagnostiqués avec le SII à composante diarrhée (IBS-D) souffriraient plutôt de malabsorption des acides biliaires. Le traitement pour cette condition est un médicament séquestrant d’acides biliaires. À noter que ce médicament doit être pris avec les repas pour être efficace, et qu’il faut faire des essais pour personnaliser la dose pour régler la diarrhée tout en évitant la constipation.
L’alpha-gal (galactose-α-1,3-galactose) est une molécule de sucre présente chez la plupart des mammifères excluant les humains. L’alpha-gal est transmise à l’homme par une piqûre de tique qui s’est auparavant nourrie d’un autre type de mammifère, comme un cerf. Le corps réagit à la substance étrangère avec un afflux d’anticorps IgE, provoquant les symptômes d’une réaction allergique la prochaine fois que l’alpha-gal pénètre dans le corps suite à l’ingestion d’aliments, de médicaments ou de suppléments qui en contiennent. Ainsi, la réponse allergique peut être déclenchée lorsqu’on consomme de la viande rouge (incluant le porc), des produits laitiers ou des produits qui contiennent du collagène ou de la gélatine. Les symptômes apparaissent généralement environ deux à six heures après la consommation de viande ou d’autres produits dérivés de mammifères. Les symptômes peuvent se présenter comme des troubles gastro-intestinaux tels que des douleurs abdominales, des nausées et de la diarrhée, mais peuvent être aussi être très variés: réactions cutanées, un gonflement affectant les voies respiratoires ou des zones du visage, des maux de tête, un essoufflement, la toux, le nez qui coule, des éternuements, une baisse de la tension artérielle et même des symptômes d’anaphylaxie, indiquant une réaction allergique grave et potentiellement mortelle. La sensibilité à cette allergie est variée. Chez certains patients, la viande plus maigre ou les produits laitiers ne déclenchent pas de réaction alors que chez d’autres, le simple fait d’être en présence de viande qui est en train de cuire peut provoquer des symptômes. Il est possible que certains patients n’aient pas de réaction à chaque fois qu’ils sont exposés à l’alpha-gal.
En conclusion, une nutritionniste spécialisée en santé gastro-intestinale peut effectuer une évaluation nutritionnelle afin d’aider à identifier les causes alimentaires des symptômes digestifs et suggérer des modifications alimentaires pour y remédier.
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5) https://www.sucroseintolerance.com/2017/02/24/4-4-4-challenge-simple-home-test-sucrose-intolerance/
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7) Camilleri (2015) Bile Acid Diarrhea: Prevalence, Pathogenesis, and Therapy. Gut Liver; 9(3): 332–339.
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